dimanche 2 novembre 2008

En revenant de Paris

Publié le 29 juin 2008

Je ne sais pas pourquoi je me suis mise à penser à ça. Je veux dire, je suis carrément déprimée à cause de choses diverses et variées qui n'intéressent que moi, alors je m'étais interdit de penser à des choses susceptibles de me déprimer encore plus.

Quelle bonne idée d'aller sur la tombe de Musset au Père Lachaise. S'il n'y avait pas eu Claire, et le type à côté qui prenait ça en photo comme un vulgaire lampadaire en fer forgé qui fait typique, j'aurais pleuré. Je les sentais les larmes, juste au bord des cils. Ridicule. Mais c'est vrai que de voir son buste, et sa soeur derrière, et les quelques mots à propos du saule pleureur, et de me dire, putain, ses os sont juste là, à quelques dizaines de centimètres, le mec que je lis et relis, le mec qui a pondu ces mots sur lesquels je réfléchis, est là à l'état de poussière sous une plaque de pierre en face de moi, ça m'a ému à un point, j'aurais jamais cru. J'oublie à quel point je peux être sensible parfois. J'ai lu quelques pages de "A quoi rêvent les jeunes filles" que je venais d'acheter, j'ai prié en somme.

Comment veux-tu que je sois joyeuse après ça... Il y a des choses tellement énormes qui nous tombent sur la gueule, la mort de quelqu'un, la maladie, j'en passe, et on encaisse à chaque fois, on reste droit et fort, et c'est ces micro évènements qui vous font flancher. Des micro fissures psychologiques, insignifiantes à première vue... Putain j'ai trop lu Virginia Woolf.

Et dans le train, j'enchaîne avec Tchekov. Ils pleurent tous tout le temps, j'arrive pas à cerner pourquoi, je comprends rien aux russes. Les Trois Soeurs. Qui vivent ensemble dans un bled paumé et rêvent de repartir vivre à Moscou, rencontrer d'autres intellectuels, changer de vie, se marier avec quelqu'un de bien. Et puis non, patatras, elles restent dans leur bled paumé, leurs amis partent. La désillusion, les rêves qui ne se réalisent jamais... Mieux vaut ne pas y penser.

Je traîne encore mon Education Sentimentale édition Le Livre de Poche de 1965 qui a servi à ma tante qui étudiait aussi les lettres modernes à Pau. Autant vous dire, l'exemplaire est moisi. J'arrive pas à le lire. J'arrive pas à lire tout court en ce moment. J'ai le cerveau empêtré dans toutes ces choses, j'y pense en permanence, ça m'empêche d'écrire, de lire, de regarder un film correctement, de suivre une conversation, de regarder où je fout les pieds quand je marche... Le train bouge, ça me fait mal aux yeux. J'arrête ma lecture assez souvent, je plane quelques minutes, je recommence. Rien ne me passionne davantage qu'un paysage qui défile. Si un jour j'ai une énorme panne d'inspiration, j'irais dans un train.

Voilà, c'est comme ça que j'en suis arrivée là. En planant, avec toutes ses mauvaises idées à l'esprit. Il y a des gens qui sont des centres, avec plein de personnes qui gravitent autour d'eux, qui sont attirés par eux. Ces gens n'ont rien à faire pour être entourés. J'essayais de me représenter comme une peinture, et je me voyais sur le bord à gauche, presque hors cadre, en train d'agripper quelqu'un par le bras qui essayait de sortir par le bord droit, avec l'air désespéré. Il faut que je m'accroche aux gens pour qu'ils restent, il faut que j'agisse pour qu'ils pensent à moi, tout le temps faire des efforts pour m'intégrer, pour être là, encore et encore. Je suis crevée, j'en peux plus. Qu'ils partent. J'arrive pas à retenir, à garder auprès de moi. J'ai cette impression de creux autour de moi, des autres en train de fuir, constamment. Je suis un centre qui expulse et qui se vide.

Je suis une putain d'essoreuse à salade.

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