Quand je pense à ma tête, je pense aux pensées qui la traversent, à ce que j'y entasse et compte y entasser, à ce que j'essaie d'en chasser et qui revient toujours. Je déteste le mot cerveau. Ma tête n'est pas un bocal de formol. Je n'aimais pas la salle de biologie du lycée.
Et pourtant, allongée dans ce tunnel aseptisé, je suis bien une souris qu'on dissèque, je suis bien un objet de science. J'ai beau dire qu'il n'y a aucun risque que je sois enceinte, on me plaque tout de même une protection contre le ventre pour protéger un hypothétique embryon des rayons du scanner. Je suis vexée. Les mots n'ont aucune valeur ici, seul le négatif des tranches successives d'un organe, empilées les unes sur les autres, signifie quelque chose.
"A noter un léger pneumatisme du grand aile du sphénoïde droit". Tout ce que je comprends, c'est que mon cerveau n'a rien. Si je déteste le nommer je pense à lui tous les jours, à sa possible défaillance. La folie, le cancer, une tumeur, un infarctus, une rupture d'anévrisme, une commotion cérabrale.
Genet a dit que si Rimbaud avait écrit à propos de la quille brisée d'un bâteau, c'est parce qu'il savait au fond de lui qu'on lui amputerait la jambe. Il pense que chaque homme a un don de divination concernant sa mort. Je mourrai des suites d'un accident cérébral.
Mais pas encore, pas encore. Pour l'instant, je contemple avec une inquiètude tranquille l'image de mon cerveau normal et sain.
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