lundi 22 février 2010

Pauline à la plage

Je suis rouillée. Avant j’écrivais en permanence, même sans papier. Je me souviens de mes heures de cours au collège, passées à griffonner des phrases dans ma tête. J’inventais des tournures, rectifiais, jusqu’à ce que l'ordre des mots et leur sonorité me paraissent satisfaisants. Comme j’avais très bonne mémoire, il me suffisait de les recopier le soir.

Aujourd’hui, école de cinéma oblige, les mots ont fait place au découpage. La vie est un film potentiel, chaque morceau de paysage est un plan. Il y a quelque chose d’infiniment jubilatoire dans le fait d’arriver dans un endroit, et de se rendre compte immédiatement que la lumière est parfaite. Le langage de la lumière.

Si je pouvais tourner un court métrage par jour, je le ferais. A la place, je prends des photos, de temps en temps. Je m’aperçois avec une vague tristesse que mes projets sont trop pharaoniques pour être tournés par des premières années. Je me bute comme un animal sauvage contre les principes d’écriture scénaristique d’un vieux professeur rétrograde, je pense aux dialogues filmés de Godard, de Rohmer, qui le contredisent.

Mais le mal est fait. Je ne sais pas écrire une scène d’ouverture, je ne sais pas écrire un synopsis. Je ne sais pas écrire. Depuis qu’il m’a assené ce constat, je ne peux plus. Je suis bloquée. Je suis mise face au grand changement qui s’est opéré en moi : je ne réfléchis plus en terme de mots, mais de lumière. Et dans chaque tentative d’écriture résonne désormais son accent roumain bedonnant.

Que veut le personnage ? Pourquoi doit-il dire ça ? Que fait-il ? Qu’est-ce que cela veut dire pour la suite, comment cela nous mène-t-il à la suite ? Pourquoi écrire cette scène, qu’est-ce qu’elle apporte au film ? Rien de particulier, je voulais simplement l’écrire. Elle était dans ma tête et je pense que ce serait une bonne scène. L’écriture n’est pas qu’une logique, c’est aussi une intuition. J’ai pour habitude de laisser venir les choses, le sens vient de lui même. Au lieu de ça je dois me faire violence, extirper, planifier, étaler, maîtriser… J’ai rarement souffert en écrivant.

Voilà sans doute pourquoi je n’ose plus écrire, que ce soit sur un blog ou dans un carnet, l’acte naturel est devenu un challenge trop dur à relever. Pourtant j’ai besoin de réfléchir pour ne pas me sentir inutile, et cela passe forcément par l’écrit, sinon tout glisse et m’échappe. Au fond, je dois bien reconnaître qu’étaler ma logorrhée quelque part est mon seul point d’ancrage dans le monde.

Je me pose parfois la question : mon besoin de tenir un blog est-il un acte de voyeurisme décadent ? Mais au vu de ce qui précède, je pense pouvoir répondre par la négative. Ouf, me voilà rassurée.

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